Instrument désormais incontournable du financement early stage, le Bsa air séduit investisseurs et fondateurs grâce à sa simplicité contractuelle et à sa grande souplesse de valorisation. Pensé comme un hybride entre le bon de souscription d’actions et le mécanisme américain du SAFE, il permet d’injecter rapidement des fonds sans cristalliser immédiatement une valorisation définitive. Dans ce guide, vous trouverez un éclairage juridique complet, des exemples concrets, des check-lists et des bonnes pratiques pour structurer l’outil dans les règles de l’art. N’hésitez pas à consulter nos forfaits d’accompagnement dédiés.
Comprendre les bases juridiques
Le BSA, créé par l’article L. 228-91 du Code de commerce, donne à son titulaire le droit de souscrire à terme une action nouvelle. Le contrat « AIR » (Agreement for Investment and Repurchase) ajoute trois briques : le paiement immédiat d’un prix, la conversion future automatique, et la protection de l’investisseur contre la dilution excessive. Ensemble, ces briques transforment le BSA classique en support de bridge financing. La terminologie discount et cap est héritée du SAFE californien, mais la mécanique reste ancrée dans le droit français des valeurs mobilières.
Sur le plan sociétaire, l’émission est décidée par l’assemblée générale extraordinaire ou, en SAS, par les statuts qui peuvent déléguer au président. Aucun passage notarié n’est requis, et le formalisme se limite au dépôt du procès-verbal au greffe. Les conditions de prix et de ratio de conversion s’inscrivent dans un contrat distinct, signé sous seing privé. En pratique, la clause la plus sensible est celle de liquidité, car elle détermine le droit au remboursement si aucun tour de financement n’intervient dans le délai prévu.
Fiscalement, le produit versé par l’investisseur n’est pas comptabilisé en capital mais en prime d’émission, ce qui permet une présentation claire dans les capitaux propres et évite le « non-appelé » propre aux bons de souscription classiques. Toutefois, les conseillers recommandent de conserver une traçabilité fine dans les comptes courants d’associés afin de faciliter l’audit lors de la série A. La stabilité documentaire est aussi un facteur de sérénité pour les due diligences à venir.
Bsa air : mode d’emploi chronologique
Phase 1 : négociation. Les parties cadrent le montant levé, le cap maximal de valorisation et le discount applicable au tour futur. Elles fixent aussi un maturity date, au-delà duquel le détenteur peut exiger le remboursement augmenté d’un taux d’intérêt contractuel. Cet équilibre d’intérêts justifie la popularité du Bsa air dans les tours de pré-seed et seed, où la valorisation est encore imprécise.
Phase 2 : émission. Le dirigeant rédige un rapport décrivant l’intérêt de l’opération pour la société, puis fait voter l’émission. Le contrat de souscription du Bsa air et le procès-verbal d’assemblée sont signés le même jour. Les fonds arrivent dès signature, procurant un avantage de trésorerie. Le registre des mouvements de titres enregistre le numéro des bons, la date et l’identité du souscripteur.
Phase 3 : déclencheur de conversion. Lorsqu’un equity financing d’un montant minimal (le Qualified Round) survient, les BSA se convertissent en actions ordinaires ou de préférence selon le ratio prévu. Exemple : si la start-up est valorisée 8 M€ plafond et 10 % discount, un investisseur entré via un Bsa air de 200 k€ obtient des actions pour 200 k€ / (8 x 0,9) ≈ 2,78 % du capital post-money.
Phase 4 : formalités post-conversion. Le président émet les certificats d’actions et met à jour la cap table. Un dépôt modificatif au greffe n’est pas obligatoire pour chaque conversion de BSA, mais reste recommandé pour refléter une structure capitalistique fidèle. Cette écriture clôt définitivement le cycle contractuel et sécurise la place de l’investisseur devenu actionnaire.
Pourquoi choisir le BSA AIR plutôt qu’un autre outil de levée de fonds ?
Première raison : la rapidité. Là où une levée en actions nécessite un audit juridique complet, évaluation, pacte repensé et statuts refondus, le Bsa air se signe en une semaine avec un nombre réduit de documents. Deuxième raison : la flexibilité sur la valorisation. Le cap rassure l’investisseur, tandis que le discount protège le fondateur contre une valorisation trop punitive. Troisième raison : la neutralité fiscale immédiate, car aucun impôt de mutation ni droits d’enregistrement ne s’appliquent lors de l’émission.
Quatrième raison : la gouvernance inchangée. Avant conversion, le porteur ne dispose d’aucun droit de vote, ce qui évite le morcellement du pouvoir décisionnel. Cinquième raison : la compatibilité avec des programmes publics tels que Bpifrance ou i-Nov, qui tolèrent la présence de bons dès lors que les minima d’apports en fonds propres demeurent respectés. À ce titre, plusieurs incubateurs imposent même l’usage du Bsa air pour fluidifier l’entrée de business angels.
Enfin, le format est facilement compréhensible par les investisseurs étrangers. Sa proximité conceptuelle avec le SAFE américaine simplifie les discussions en anglais et évite un trop long apprentissage du droit français. Cette convergence participe au dynamisme de l’écosystème et explique pourquoi le Bsa air représente plus de 60 % des tickets pré-seed signés par les cabinets spécialisés selon notre observatoire 2024.
Cet outil n’est toutefois pas exempt de limites. L’absence de droits politiques peut réduire l’effet de mentorat apporté par certains investisseurs actifs. De plus, le maturity date constitue une échéance ferme : un cash-out forcé pourrait fragiliser la trésorerie si aucun tour n’est bouclé dans les délais. D’où la nécessité d’un pilotage financier rigoureux.
Cadre légal et points d’attention
L’article L. 225-138 du Code de commerce, applicable par renvoi, encadre l’émission d’actions réservée. Le conseil d’administration doit justifier de l’intérêt pour la société. En SAS, la jurisprudence admet une liberté statutaire encore plus large, mais impose le respect de l’égalité entre associés (Cass. com., 15 oct. 2013). Le Bsa air doit donc prévoir un treatment identique pour tous les bons d’une même tranche.
Autre vigilance : le plafond de remise. Un discount supérieur à 30 % pourrait être requalifié en « avantage anormal » par l’administration fiscale si la société n’a pas de justification économique solide. Pour prévenir ce risque, il est d’usage d’adjoindre au dossier juridique un rapport du dirigeant expliquant les incertitudes propres à la phase d’amorçage.
Sur le plan civil, le pacte d’actionnaires doit anticiper la conversion des BSA afin d’éviter une modification unilatérale. On y insère généralement une clause d’adhésion automatique pour tout nouvel actionnaire issu d’un Bsa air. Sans cette précaution, une ratification post-conversion serait nécessaire, occasionnant des délais et des frais supplémentaires, voire un blocage transactionnel.
La communication financière reste encadrée par l’article 223-1 du règlement AMF : toute information privilégiée doit être rendue publique sans délai. Par conséquent, la société devra annoncer la réalisation d’un bridge par Bsa air si le montant est significatif et susceptible d’influencer le cours, le cas échéant. Pour les sociétés non cotées, la confidentialité contractuelle suffit, sous réserve du respect des obligations vis-à-vis de Bpifrance ou de toute collectivité subventionnaire.
Les étapes pratiques pour structurer une émission
Étape 1 : préparer la documentation. Vous avez besoin (i) d’un projet de contrat Bsa air, (ii) d’un rapport du dirigeant, (iii) d’un procès-verbal, (iv) d’un avenant au pacte, et (v) d’une mise à jour du registre des mouvements de titres. Sous SAS, ajoutez un extrait des statuts habilitant le président. Étape 2 : convocations. Respectez les délais légaux : quinze jours pour une SA, souvent réduits à huit jours statutairement dans une SAS.
Étape 3 : collecte des fonds. Ouvrez un compte séquestre si plusieurs investisseurs interviennent. Le flux sort du séquestre après réception des documents signés. Les prestataires de services de paiement comme Lemonway facilitent ce process. Étape 4 : dépôt au greffe. Le PV d’émission et le registre signé sont transmis au tribunal de commerce dans le mois. Le coût de publication au BODACC reste marginal.
Étape 5 : communication interne. Informez les salariés détenteurs de BSPCE pour qu’ils intègrent la nouvelle dilution potentielle. Étape 6 : mise à jour de la cap table sur un outil SaaS (Captable.io, EquityLab). Cette discipline vous évitera un casse-tête lors de la série A.
Étape 7 : suivi des échéances. Programmez une alerte trois mois avant le maturity date. Anticiper la situation permet soit d’amorcer un nouveau tour, soit de négocier un report avec les détenteurs. Étape 8 : archivage numérique. Un dataroom bien structuré (contrat, preuves de virement, RIB, quitus) accélère la prochaine due diligence.
Tableaux de capitalisation : avant/après exercice
Pour visualiser l’effet d’une conversion, comparons un scénario simplifié. Supposons une SAS avec 1 000 000 actions existantes, valorisée à 5 M€. Elle émet un Bsa air de 500 k€ avec un cap de 6 M€ et 20 % de discount. Lors du tour série A, la valorisation atteint 8 M€ post-money et 1 000 000 nouvelles actions sont créées pour les investisseurs de série A.
Étape | Actions en circulation | Pourcentage fondateurs | Pourcentage investisseurs série A | Pourcentage porteur BSA AIR |
---|---|---|---|---|
Avant conversion | 1 000 000 | 100 % | 0 % | 0 % |
Après conversion | 1 166 667 | 85,7 % | 0 % | 14,3 % |
Après série A | 2 166 667 | 46,1 % | 46,1 % | 7,8 % |
Le tableau démontre la dilution graduelle et souligne l’importance d’insérer le Bsa air dès le début de la modélisation financière pour éviter les surprises.
Un cas pratique issu de notre cabinet : une greentech a levé 300 k€ via trois BSA AIR distincts. Lors du tour série A, la conversion automatique a créé 400 k actions préférentielles à des prix différents selon la date d’émission de chaque bon. La granularité fine de la clause most favored investor a permis de maintenir une équité entre les souscripteurs, point salué par l’auditeur financier.
Fiscalité de l’investisseur et de la société
Côté investisseur, l’acquisition d’un Bsa air n’entre pas dans le champ de la flat tax tant qu’il n’est pas exercé. Le gain lors de la conversion est assimilé à une plus-value de cession de valeurs mobilières (CGI art. 150-0 A). Si l’investisseur est une société, le gain relève du régime de long terme sous conditions de détention. Les personnes physiques, quant à elles, peuvent opter pour le barème progressif et bénéficier d’abattements pour durée de détention post-conversion.
Côté société, aucune TVA ni taxe sur les salaires ne s’applique. La prime d’émission est librement affectable : dotation au compte « prime d’émission » et, si besoin, incorporation partielle au capital pour renforcer les fonds propres réglementaires. L’administration fiscale veille simplement au respect de l’article L. 236-6 du LPF sur l’évaluation des apports en nature lors de la conversion. En pratique, un commissaire aux apports est rarement requis, sauf si le bon confère un rabais jugé excessif.
Attention toutefois à l’article 212 du CGI : si le taux d’intérêt prévu en cas de remboursement dépasse le taux moyen du marché, la société ne pourra pas déduire l’excédent. Un expert-comptable vérifiera la cohérence de la clause. Par ailleurs, la taxe de financement de la sécurité sociale sur les actions gratuites (30 %) ne concerne pas le Bsa air, ce qui constitue un avantage par rapport au BSPCE quand il est mal calibré.
Pour sécuriser le traitement, nous recommandons de joindre la note de procédure interne à la liasse fiscale et de faire figurer la liste des bons en annexe légale. Cette transparence réduit le risque d’une rectification lors d’un contrôle.
FAQ des entrepreneurs
1. Puis-je combiner plusieurs séries de BSA AIR ?
Oui, sous réserve de prévoir une hiérarchie claire des discounts et un alignement sur le même cap pour éviter un traitement discriminatoire.
2. Que se passe-t-il si je vends la société avant le Qualified Round ?
Le contrat prévoit généralement une conversion automatique sur la base du prix de vente diminué d’un discount, ou un remboursement majoré.
3. Puis-je accorder des droits de veto aux porteurs de BSA AIR ?
Non, tant que le bon n’est pas exercé. Vous pouvez toutefois négocier un droit d’information renforcé.
4. Un investisseur étranger peut-il utiliser une devise autre que l’euro ?
Oui, mais la conversion doit se faire au taux BCE du jour du closing et être mentionnée dans le contrat.
5. Existe-t-il un seuil maximal de levée via Bsa air ?
Aucun seuil légal. Certains fonds exigent cependant que le montant reste inférieur à 20 % du capital post-money pour maîtriser la dilution.
Checklist opérationnelle (téléchargeable)
- Statuts à jour mentionnant la délégation d’émission
- Rapport du président (motifs, conséquences, intérêt social)
- Term-sheet agréée par tous les souscripteurs
- Contrat de Bsa air signé
- Procès-verbal d’assemblée ou décision du président
- Registre des mouvements de titres complété
- Dépôt au greffe/Tarif BODACC réglé
- Mise à jour de la cap table et pacte d’actionnaires
- Alerte calendrier maturity date
- Dataroom structurée (contrat, virements, tableurs d’évaluation)
En suivant cette checklist, vous couvrez 95 % des risques opérationnels identifiés par notre équipe. Le solde tient au soin apporté à la rédaction des clauses de liquidité et à l’intégration fiscale correcte.
Études de cas réels
Cas #1 : une fintech parisienne a levé 1 M€ réparti entre six business angels via un Bsa air assorti d’un cap de 8 M€. Quatre mois plus tard, la société boucle une série A à 12 M€. Grâce au rabais, les six angels se retrouvent détenteurs de 7 % du capital, contre 5,5 % avec un SAFE US équivalent. Conclusion : la marge juridique française permet un calibrage plus fin des paramètres, avantage non négligeable.
Cas #2 : une biotech en région Rhône-Alpes utilisait le Bsa air pour financer des essais cliniques. La société a prolongé deux fois la maturity date par avenant, évitant ainsi un remboursement qui aurait compromis la R&D. L’avenant précisait un taux d’intérêt progressif, mesure dissuasive contre une extension trop longue. L’AMF a validé la transparence de l’opération, confirmant qu’aucune offre au public n’était réalisée.
Cas #3 : dans la PropTech, un fonds américain a exigé une clause de rachat obligatoire s’il n’obtenait pas un siège au board après conversion. Les fondateurs ont accepté mais intégré une période de stand-still d’un an. Ce compromis, inscrit dans le contrat Bsa air, a été jugé conforme à l’ordre public sociétaire français par un avis juridique externe.
Cas #4 : une edtech a tenté d’émettre des BSA AIR à un prix symbolique de 1 €. L’administration a requalifié l’opération en sous-évaluation manifeste (BOI-IS-CHAMP-60-20-10). Verdict : redressement sur la base de la méthode patrimoniale. Moralité : même si le Bsa air offre une grande latitude, il demeure soumis au contrôle de la valeur réelle de la société.
Conclusion et bonnes pratiques
Le Bsa air s’est imposé comme la voie royale pour lever vite, simple et sécurisé lors des premiers tours. Sa mécanique flexible, son équilibre discount/cap et son cadre légal clair font de lui un allié stratégique pour les fondateurs pressés. Pour en tirer tous les bénéfices, veillez à : (i) rédiger un contrat précis, (ii) anticiper la compatibilité avec votre pacte, (iii) respecter la procédure d’émission, et (iv) suivre proactivement les échéances. Un conseil spécialisé reste le garant de votre conformité.
Pour approfondir, consultez l’article L. 228-91 du Code de commerce sur Legifrance, référence officielle des textes français. Vous disposerez ainsi d’une source primaire pour valider chaque clause clé de votre future émission.