Les CGU CGV sont souvent citées ensemble par les entrepreneurs, mais leur finalité, leur structure et les risques attachés à une mauvaise rédaction diffèrent radicalement. Dans un environnement numérique où la confiance se gagne en quelques clics, disposer de documents juridiques clairs et complets n’est plus un luxe mais une condition de survie : obligations d’information (art. L111-1 C. conso), protection des données, réversibilité SaaS, gestion des litiges… Un oubli peut coûter cher. Cet article vous guide pas à pas pour comprendre les écarts entre ces deux outils et sécuriser votre activité. N’hésitez pas à consulter nos forfaits d’accompagnement dédiés.
CGU CGV : de quoi parle-t-on ?
Les conditions générales d’utilisation (CGU) encadrent le simple accès à une plateforme, qu’un visiteur achète ou non. Elles fixent les règles de conduite, la propriété intellectuelle, la politique de modération et la responsabilité de l’éditeur. Les conditions générales de vente (CGV), elles, régulent l’acte payant : formation du contrat, description du produit, modalités de paiement, livraison, droit de rétractation, garanties légales. Deux instruments donc, mais deux temporalités : les CGU précèdent la transaction, les CGV la concluent. Savoir les dissocier évite la requalification indésirable d’une clause et protège contre des sanctions de la DGCCRF ou d’associations de consommateurs.
Pourquoi distinguer CGU CGV ?
Confondre les deux documents crée une insécurité juridique. Premièrement, certaines mentions, facultatives dans les CGU, deviennent obligatoires dans les CGV lorsqu’un professionnel vend à un consommateur. Deuxièmement, un juge pourrait estimer que l’utilisateur n’a pas été correctement informé au moment décisif de l’achat, annulant la clause ou la vente entière. Troisièmement, la politique de modération visée par la loi pour la confiance dans l’économie numérique est sans impact direct sur la conformité commerciale ; la traiter dans les CGV complique inutilement la lecture. Clarifier le périmètre de chaque texte fluidifie la navigation et renforce la confiance de vos clients.
Bases légales applicables aux CGU CGV
Chaque bloc possède sa matrice réglementaire. Pour les CGU : articles 6-I et 6-III de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004, Règlement (UE) 2016/679 (RGPD) pour la protection des données, directives E-commerce 2000/31/CE. Pour les CGV : article L111-1 du Code de la consommation (information précontractuelle), articles L217-4 et suivants (garantie légale de conformité), articles 1193 et 1229 du Code civil (formation et résolution du contrat), Code de commerce pour les relations inter-professionnelles. Les professionnels B2B bénéficient d’une liberté contractuelle plus large, mais restent soumis aux clauses abusives “significativement déséquilibrées” (art. 1171 C. civ.).
Comment rédiger des CGU efficaces ?
Objectifs stratégiques
Une bonne paire de CGU clarifie vos droits d’éditeur, limite votre responsabilité, et démontre votre diligence vis-à-vis des données personnelles. Les autorités (CNIL, ARCOM) s’intéressent particulièrement aux plateformes communautaires et aux marketplaces. Or, afficher des règles précises de comportement des utilisateurs, assorties d’un système de signalement, réduit le risque de voir votre responsabilité engagée pour un contenu illicite signalé trop tard. Mentionner la procédure interne, les délais de retrait, et le contact dédié est décisif. De même, la clause “as is” qui exclut une garantie implicite doit être rédigée avec nuance pour éviter une nullité pour déséquilibre manifeste.
Rubriques incontournables des CGU
- Identification complète de l’éditeur, de l’hébergeur et du directeur de la publication.
- Accès au service : durée, inscription, restrictions d’âge.
- Propriété intellectuelle : licences accordées aux utilisateurs, droits réservés.
- Comportements interdits : scraping, harcèlement, contournement de mesures techniques.
- Procédures de signalement et de suppression.
- Données personnelles : finalités, bases légales, durée de conservation.
- Responsabilités et garanties : disponibilité, maintenance, liens externes.
- Droit applicable et attribution de juridiction.
Exemple de clause type
1. Disponibilité du service
Le Site est accessible 24 h/24 et 7 j/7, sauf cas de force majeure ou événement hors du contrôle de l’Éditeur.
L’Éditeur se réserve le droit d’interrompre l’accès pour des opérations de maintenance planifiées.
En aucun cas, la responsabilité de l’Éditeur ne pourra être engagée pour un préjudice résultant d’une indisponibilité inférieure à 48 heures.
Comment rédiger des CGV juridiquement solides ?
Structure générale
Commencez par le champ d’application : qui vend quoi, à qui ? En B2C, le Code de la consommation impose douze blocs d’information précontractuelle avant la conclusion du contrat, dont le prix total, l’identité du vendeur, les modalités de rétractation. En B2B, la liberté domine, mais les clauses essentielles (tarif, commande, livraison, indemnités de retard) doivent rester loyales. Veillez à l’articulation entre CGV et devis : les premiers forment le socle, les seconds précisent. Une hiérarchie claire évite à votre client d’opposer ses propres conditions pour renverser l’accord.
Clauses indispensables B2C
- Description exhaustive du produit ou service.
- Prix TTC, frais annexes, modalités de paiement.
- Délai, mode et coût de livraison.
- Droit de rétractation de 14 jours : modèle de formulaire, frais de renvoi.
- Garantie légale de conformité, garantie des vices cachés.
- Service après-vente et médiation à la consommation.
- Transfert de propriété et transfert des risques.
- Force majeure et tribunal compétent.
Clauses spécifiques SaaS ou services récurrents
Dans un modèle d’abonnement, prévoyez la tacite reconduction, le préavis de résiliation et la réversibilité des données. Le client doit pouvoir récupérer ses informations dans un format exploitable. Ajoutez une clause d’escalade de support (SLA) et un crédit de service pour indisponibilité prolongée. Ces éléments rassurent les parties prenantes et différencient votre offre sur un marché concurrentiel. Une clause d’indexation des prix sur l’indice SYNTEC ou l’ILC permet de préserver votre marge face à l’inflation tout en restant transparente.
Tableau récapitulatif CGU versus CGV
Objet | CGU | CGV |
---|---|---|
Nature | Accès & usage | Contrat de vente |
Moment | Avant la transaction | Pendant / après la transaction |
Obligations légales | Loi LCEN, RGPD | Code conso, garanties |
Public ciblé | Tous les visiteurs | Acheteurs uniquement |
Sanctions | Responsabilité civile & pénale | Nullité clause, amende DGCCRF |
Processus de mise à jour et de validation des CGU CGV
Un texte figé devient vite obsolète. Suivez un cycle de revue trimestriel : 1) veille réglementaire, 2) audit interne, 3) mise à jour, 4) diffusion. Toute version nouvelle doit être opposable : mentionnez dans les CGU que la navigation postérieure vaut acceptation. Pour les CGV, obtenez un nouveau clic ou une signature, sinon la modification est inopposable. Archivage : conservez chaque version datée au format PDF horodaté, gage de traçabilité en cas de litige. Enfin, publiez un changelog listant les ajustements majeurs pour renforcer la transparence.
Exemples concrets et erreurs fréquentes au sein des CGU CGV
Marketplace B2C de vêtements d’occasion
La startup “DressAgain” a confondu CGU CGV, fusionnant dans un même bloc la procédure de litige entre vendeurs tiers et acheteurs. Résultat : un acheteur a assigné la société pour non-respect du droit de rétractation auprès du vendeur particulier. Le juge a estimé que la société devait informer l’acheteur qu’il traitait avec un particulier, pas un professionnel, et DressAgain a dû rembourser et indemniser. Si les CGU avaient clairement signalé la qualité des vendeurs et les CGV encadré les ventes directes, la responsabilité aurait pu être déclinée.
Application mobile freemium
L’éditeur présentait sa version gratuite sans CGV mais imposait un abonnement in-app pour débloquer des fonctionnalités supplémentaires. Les clauses d’abonnement figuraient dans les CGU, absentes au moment du paiement. La DGCCRF a requalifié le document, infligeant une amende pour défaut d’information précontractuelle. Une séparation stricte, avec des CGV dédiées à l’abonnement et soumises à un écran de validation, aurait suffi à prouver le respect de l’art. L221-5 C. conso.
CGU CGV : les erreurs à éviter
- Copier-coller de modèles étrangers non conformes au droit français.
- Intégrer un encadrement de la vie privée uniquement dans un “Privacy Policy” en anglais.
- Oublier la médiation à la consommation pour les CGV B2C.
- Supprimer la clause de garantie légale de conformité ; elle est d’ordre public.
- Ne jamais dater les versions et perdre ainsi la traçabilité.
Checklist rédactionnelle des CGU CGV
Avant publication, passez en revue :
- Identification : dénomination, capital, RCS, contact.
- Champ d’application : activités couvertes, territoire.
- Langue : seule la version française fait foi.
- Acceptation : case à cocher ou signature électronique qualifiée.
- Responsabilité : limitations proportionnées pour éviter la clause abusive.
- Vie privée : référencer mécanisme de consentement aux cookies.
- Preuve : système d’archivage probant conforme eIDAS.
- Mise à jour : date d’entrée en vigueur, notification.
- Voies de recours : médiateur, tribunal compétent.
- Sauvegarde : PDF daté, accessible en bas de page.
FAQ sur les CGU CGV
Un site vitrine sans paiement a-t-il besoin de CGV ?
Non. En revanche, il lui faut des CGU pour définir la responsabilité et la propriété intellectuelle, ainsi qu’une politique de confidentialité. Dès qu’un paiement intervient—même par don—des CGV spécifiques doivent apparaître.
Puis-je fusionner CGU CGV pour simplifier ?
Techniquement oui, mais fortement déconseillé. Le risque est de noyer les clauses obligatoires et de perdre la lisibilité exigée par le Code de la consommation. Un document unique peut fonctionner pour une micro-activité B2B, à condition de séparer en chapitres très identifiables.
Les CGU suffisent-elles pour une application gratuite monétisée par publicité ?
Oui, sauf si vous vendez des biens ou des services intégrés (in-app). Dans ce cas, des CGV additionnelles deviennent nécessaires. Pensez aussi à la politique de cookies et au consentement explicite au tracking selon le RGPD et la directive ePrivacy.
Conclusion sur les CGU CGV
Disposer de CGU précises et de CGV complètes, distinctes mais cohérentes, c’est offrir à votre écosystème un cadre transparent et sécurisé, tout en prévenant litiges et sanctions. Prenez le temps de cartographier vos flux, d’identifier les obligations légales, puis de les transposer dans un langage clair, pédagogique et ferme. Si la mission vous semble chronophage, faites-vous accompagner : un cabinet habitué aux enjeux des startups saura transformer ce poste de risque en avantage compétitif durable.